Rencontre

Colloque Alain Buffard
Journée 1

C’est très fastidieux d’être toujours le même

06.10.17 — 11:00

CN D Pantin

« C’est très fastidieux d’être toujours le même » confie Alain Buffard dans l’un de ses écrits.  En reprenant cet aveu comme titre de la première journée de la rencontre organisée par le CN D sur son œuvre, nous souhaitons souligner la critique des identités que le travail de cet artiste, danseur, chorégraphe, performer, n’a cessé d’opérer au fil de ses expérimentations et de ses spectacles.
Cette première journée s’attachera tout particulièrement à la critique de l’identité de sexe et de genre qu’Alain Buffard poursuit dans le sillage explicitement revendiqué de Michel Foucault, dont l’artiste dit relire Surveiller et Punir à l’occasion de chaque création.
Noémie Solomon, qui ouvre la journée, développera cette piste théorique et critique en analysant les modalités performatives et chorégraphiques de ce que Michel Foucault nommait, par opposition aux effets de structure qui déterminent l’individuation, les « scintillements de surface » de l’existence. Autrement dit, le potentiel de transformation dont la singularité individuelle est l’expression aussi scandaleuse qu’indubitable. La postérité de cette démarche sera présentée en contrepoint par une intervention proposée par Pauline Le Boulba à partir de Dispositifs 3.1, une pièce créée en 2001 et qui met au travail l’appropriation des normes d’apprentissage par les corps sexués.

L’excès qui caractérise l’esthétique d’Alain Buffard, jusque dans son dépouillement, a trouvé  son expression cardinale dès Good Boy, la pièce qui a fait connaître son œuvre à un public national puis international. La déconstruction des codes identitaires s’y formule sous la forme d’une dérision des conventions qui ont édifié le corps dansé occidental. Cette dérision apparente la démarche d’Alain Buffard à la critique queer sans pourtant l’y réduire, comme le montrera Lucille Toth dans sa communication « La (dé)marche. Alain Buffard, politique ».

L’histoire artistique d’Alain Buffard est indissociable de l’histoire de cette génération pour laquelle, comme il le disait dans un entretien donné en 2005, « le sexuel est un des derniers remparts des postures politiques » aujourd’hui. Une génération tragiquement décimée par  le sida et dont les engagements comme les souffrances sont encore peu connus. Dans sa communication l’auteure de Ce que le sida m’a fait, Élisabeth Lebovici, resituera sa démarche et son œuvre dans ce contexte qui est encore en partie le nôtre. Alain Buffard n’a eu de cesse de partager la radicalité de ses choix. Les processus expérimentaux que chacune de ses créations convoque supposent l’engagement total des interprètes dans un partage de sensations, d’affects, et de corps qui fut peut-être l’une de ses préoccupations principales. La puissance insurrectionnelle de son travail tient à la radicalité de ses conditions sensibles et sensuelles de production. Le rôle d’évoquer ce point et de clore cette première journée de colloque est ici confié à Olivier Normand, l’un de ses danseurs et de ses proches.

Catherine Perret
Référente de la journée
Professeure des universités en théorie et histoire des arts modernes et contemporains,
UFR Arts, philosophie, esthétique de l’université Paris-8

 

11:00-11:45
Studio 14

« Baron Buffard, résister aux tendances de l’histoire et de la mémoire »
Ouverture du colloque
par François Frimat

De résistance, il est question parce qu’Alain Buffard pratique le combat, la rébellion contre la mise en normes ou l’officialisation des parcours et chronologies. Au contraire, cette résistance, sans ambition conservatrice, reprend les éléments actifs de la critique des grands récits initiés par la pensée postmoderne.

François Frimat enseigne la philosophie à Sciences Po, à l'université Lille 3 Charles-de-Gaulle et en classes préparatoires. Il a notamment publié Qu’est-ce que la danse contemporaine ? (PUF).

 

11:45-12:30
Studio 14

« Scintillement de surface. Le vacillement de la subjectivité dans la chorégraphie d’Alain Buffard »
par Noémie Solomon
Directrice des programmes, Institute for Curatorial Practice in Performance, Wesleyan University

Cette présentation s’inspire de la notion de scintillement de surface de Michel Foucault (1966) pour explorer les subjectivités expérimentales mises en œuvre par Alain Buffard. Elle s’attache au trafic transatlantique de mouvements et de pensées, avec une attention particulière donnée aux questions de performativité et différence, queerness et blackness. Retraçant le sujet dansant à travers une constellation de gestes impersonnels, collectifs, intensifs et politiques, elle ré-imagine ce qui fait sens, et ce qui fait vie, dans l’œuvre de Buffard.

Noémie Solomon travaille dans le champ de la danse contemporaine comme chercheure, enseignante, écrivaine, dramaturge et commissaire. Elle a dirigé la collection DANSE (An Anthology et A Catalogue publiés aux Presses du réel en 2014 et 2015) qui rassemble des textes clés autour des influences mutuelles entre les cultures chorégraphique françaises et américaines. Elle détient un doctorat de la New York University et est récipiendaire des bourses postdoctorales Andrew W. Mellon à la McGill University et à la Brown University. Elle est directrice des programmes à l’Institute for Curatorial Practice in Performance, Wesleyan University

 

14:00-14:45
Studio 8

« Fictionner dans Dispositifs 3.1 »
par Pauline Le Boulba
Artiste et chercheuse au département Danse de l’université Paris-8

L’intervention de Pauline Le Boulba propose une traversée dans l’espace singulier de Dispositifs 3.1, une pièce de 2001, fabriquée par Alain Buffard, Anne Laurent, Laurence Louppe et Claudia Triozzi. En revisitant certains matériaux de cette performance, l’artiste et chercheuse partage une manière de la regarder et de dialoguer avec/depuis elle. 

Artiste et chercheuse, Pauline Le Boulba travaille depuis plusieurs années sur La Langue brisée – projet évolutif s’appuyant sur des œuvres chorégraphiques pour développer un cadre réflexif malléable : une pensée de la danse en acte, qui lie invention littéraire, analyse théorique, mémoire du spectateur et geste performatif. Les oeuvres qu’elle aborde et traverse deviennent ainsi des supports de production, donnant à voir le processus d’ingestion et de transformation qui participe de toute création.

 

14:45-15:30
Studio 6

« En (dé)marche. Alain Buffard, politique »
par Lucille Toth
Assistant Professor, The Ohio State University

Il est écrit dans la Bible : « Quand je marche dans la vallée de l'ombre de la mort, Je ne crains aucun mal, car tu es avec moi : Ta houlette et ton bâton me rassurent. » En marche !, nous a-t-on récemment répété en France au moment où la Women’s March rassemblait aux États-Unis. Qu'elle soit imposée, lente, en groupe, solitaire, talonnée ou à plat, une marche est toujours performative. Dans le monde du voguing, du hip-hop ou encore de la danse contemporaine, la marche peut devenir un parti pris esthétique quasi politique. Ainsi, quand dans Good Boy, Alain Buffard marche avec des talons faits de boites d’AZT, il performe bien plus que son virus. Il questionne le genre, la sexualité, le corps et les codes de la danse. Cette étude sur la marche et le moment soit disant non dansé me permettra de mettre en avant le politique dans l’œuvre d’Alain Buffard.

Lucille Toth est Assistant Professeur à The Ohio State University. En 2015, elle a dirigé un ouvrage collectif intitulé Danse contemporaine et littérature (éditions du CND) et est directrice de la collection féministe « Majorité » aux éditions LGBTQI Des ailes sur un tracteur. Danseuse de formation, son travail est à la croisée de la littérature, de la danse et du discours médical. Elle travaille en ce moment sur le phénomène de queerisation tant de genre que de race actuellement en vogue en France et aux États-Unis, autour de danses telles que le twerk qui repense la fluidité et la réappropriation culturelle.

 

16:00-16:45
Studio 14

« Good boy, good boy, good boy, well done »
par Élisabeth Lebovici
Historienne de l’art et critique d’art

Good Boy est la pièce où Alain Buffard remet son corps en marche. Good Boy n'est pas une pièce « sur » le VIH/sida, c’est une pièce qui vit avec, qui vit et qui se viralise. C'est une pièce qui teste le corps, à l'heure où les premières mises sur le marché des thérapies antirétrovirales puissantes amènent à se poser la question de ce qu'on fait et de ce qu'on peut faire avec lui. Good Boy est une pièce qui compte sur le corps, une pièce où le corps compte, s'effondre et se relève. 

Élisabeth Lebovici, est historienne de l'art et critique d’art. 
Elle a notamment été journaliste au service Culture du quotidien Libération (1991 -2006). Elle co-dirige depuis 2006 un séminaire à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS, Paris) intitulé « Something You Should Know : Artistes et Producteurs »

http://sysk-ehess.tumblr.com/

Son dernier ouvrage : Ce que le sida m’a fait. Art et activisme à la fin du XXe siècle (Paris, La Maison Rouge/JRP Ringier, 2017) 
Elle tient un blog sur http://le-beau-vice.com/

 

16:45-17:30
Studio 14

« Être interprète pour Alain Buffard »
par Olivier Normand
Danseur et chorégraphe

« J’ai été interprète pour Alain Buffard pendant cinq ans, dans Tout va bien et Baron Samedi. Comment faire retour sur cette relation de travail et sur les gestes de création qu’elle a produit ? Quelles conditions concrètes et imaginaires ? quels enjeux implicites ? quelles pratiques physiques ? quels référents communs ? quelles parades (de défense et de séduction) ? quels "contrats de regard" tacites ? Comment nommer les paysages imaginaires mouvants et les dynamiques transférentielles en jeu dans cette relation au cours de deux créations successives ? 

Olivier Normand est danseur, chorégraphe, comédien, chanteur. Après des études de Lettres modernes, il se forme à la danse contemporaine dans le cadre du programme ex.e.r.ce (direction Mathilde Monnier et Xavier Le Roy) au Centre chorégraphique national de Montpellier, et du programme Transforme à l'Abbaye de Royaumont (direction Myriam Gourfink). Il se forme également au jeu théâtral et au chant baroque au sein du Conservatoire régional de Montpellier. Depuis 2007, il est interprète, entre autres, pour Mathilde Monnier, Alain Buffard, Fanny de Chaillé, Béatrice Massin, Joris Lacoste, Bruno Geslin, Lorenzo de Angelis et Émilie Rousset. En 2009, il a réalisé à l'université Paris-8 un mémoire de Master intitulé Le saut de Nijinski : un essai d'élucidation. Il signe également des pièces, à la croisée de ses différentes pratiques, ICI (avec Mylène Benoit), puis L’Artificier et Récital.

 

17:30-18:00
Studio 14

« Alain Buffard et les arts visuels »
Marie Muracciole, directrice du Beirut Art Center
Marcella Lista, conservatrice, Nouveaux médias, Musée national d’art moderne / Centre Pompidou

 

18:00-18:30
Vernissage de l’exposition Buffard rembobine !
présentation des films par Marcella Lista