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Session #1

Le rituel (tout)
contre la danse

Alwin Nikolais, Liturgies (1983), « Celebrants » © Tom Caravagli
Alwin Nikolais, Liturgies (1983), « Celebrants » © Tom Caravagli

30.09.21 — 15:45

CN D Pantin

15:45 — 30 min.
Tsatsal : un geste rituel dans la danse ?

par Raphaël Blanchier (France)

Tsatsal est, en Mongolie, un geste rituel quotidien féminin ordinaire qui consiste à projeter, à des fins propitiatoires, des gouttelettes de produit laitier avec une spatule sculptée. Lors de la chorégraphie d’inauguration du Naadam (fête nationale) de 2013, en Mongolie, une partie des danseuses effectue ce geste rituel dans le stade national, aux yeux de milliers de spectateurs. Malgré cette dimension dansée, ni le changement de contexte, ni la synchronicité des danseuses, ni l’inclusion du geste dans des motifs géométriques chorégraphiés n’ôtent vraiment au geste sa valeur rituelle. De fait, celle-ci traverse aussi bien le cadre événementiel que le statut des danseurs dans l’événement, et colore d’ambivalence la relation entre danseurs et spectateurs, invitant à déplacer l’analyse et à voir dans la chorégraphie du Naadam plus qu’une danse. Cet exemple suggère que l’ambiguïté entre danse et rituel est, dans ce type de contexte, constitutive de l’efficacité émotionnelle de la danse.


16:15 — 30 min.
« Tout ballet est un rituel » : le processus créatif de Jerome Robbins

par Hiie Saumaa (États-Unis)

Dans un essai intitulé Thoughts on Choreography (1954), le chorégraphe Jerome Robbins écrit : « Mon point de départ quand je crée un ballet est celui de tout chorégraphe moderne : je pars du sentiment que je veux représenter. Je ne saurais limiter la palette des sentiments que la danse peut exprimer. Tout ballet est un rituel qui transforme n’importe quel sujet en rite. À travers la forme, mon objectif est de faire de chaque idée un ballet avec sa propre vie et son propre accomplissement ». Dans cette communication, Hiie Saumaa explorera le processus chorégraphique de Robbins et la manière dont il aborde les ballets comme des rituels. Elle mettra en lumière certains aspects de son travail qui n’ont pas été beaucoup exploités, à savoir ses manuscrits et ses œuvres plastiques, qui sont hébergés dans les archives Jerome Robbins à New York. Hiie Saumaa se concentrera sur ses journaux et films personnels des années 1970, et examinera le ballet Watermill, l’une des œuvres les plus expérimentales de son répertoire, qui est caractérisée par un mouvement lent, des pas inspirés du Nô et l’abstraction formelle. Elle montrera comment les éléments qui s’apparentent au rituel sont présents en amont et dans le ballet lui-même.


17:00 — 1h.
Nikolais et Liturgies : un rituel abstrait américain

par Marc Lawton et Alberto del Saz (France et États-Unis)

Marqué par le primitivisme en vogue aux États-Unis dans les années 1930 et 1940, Nikolais créa des spectacles fortement ritualisés qui prirent de court public et critique. S’appuyant sur les innovations technologiques de son époque et divers artefacts (masques, maquillages, accessoires, décors étranges, cou- leurs vives, lumières et musiques travaillées), il créa un théâtre de l’illusion. Il réalisa aussi des films et explora la nudité, parlant de sa « fascination pour les rites qui semblent relier l’homme à une source cachée ». Totem (1960) en est un exemple parlant, ainsi que sa reprise en 1983, Liturgies : « Totem avait comme centre d’intérêt un sujet qui avait été le mien depuis toujours, à savoir le mysticisme, l’occulte, les cérémonies, la ferveur, les fétiches, le tarot. Tout cela guida ma main ». Alberto Del Saz dialoguera avec Marc Lawton en faisant découvrir cette œuvre au public par divers extraits vidéo, montrant comment se concilient dans cette pièce dimension rituelle et abstraction.


18:00 — 1h.
De Nijinski à Monkman : troubles dans le rituel

par Raphaël Preux et Enora Rivière (Canada)

Dans l’expérience de réalité virtuelle Honour Dance (2008), Kent Monkman rejoue les danses cérémonielles en l’honneur des personnes two-spirit des sociétés algonquiennes, déjouant la représentation coloniale en croisant notamment le regard du peintre George Catlin (1837) et Le Sacre du printemps de Stravinsky (1913). Nos travaux respectifs – le récit chorégraphique hétéronyme de Sacre #2 de Dominique Brun (2014) du point de vue du danseur pour l’une, et la recherche anthropologique sur le genre et les musiques rituelles pour l’autre – nous invitent à croiser nos perspectives sur Honour Dance : qu’est-ce qu’implique la recontextualisation rituelle en termes de décolonisation, d’agentivité politique et de rapports de pouvoir ? Comment la fiction agit-elle à l’intérieur du rituel ? Qu’est- ce que les épistémologies two-spirit nous apprennent ici ? Comment l’interprète vit-il le rituel à travers son expérience ?