Alain Buffard

Colloque, spectacles, exposition, concert

Alain Buffard © Stéphane Barbier
Alain Buffard © Stéphane Barbier

04.10 > 15.12.17

CN D Pantin, Centre Pompidou

L’œuvre d’Alain Buffard est de celles qui marquent : une ligne de fuite parsemée d’images spectrales, insistantes ; de figures qui ne vous lâchent pas, qui continuent à agir, à infuser,  à déposer sans cesse de nouvelles strates de significations. Comme la silhouette solitaire  de Good Boy, vêtue d’une couche de slips, s’inventant un corps alternatif à force de répétition. Cette même silhouette démultipliée, réaffirmée de manière collective dans Good for... puis Mauvais genre. Comme les étreintes tramées de souvenirs qui peuplent Les Inconsolés. Le désordre qui envahit la scène de Dispositifs 3.1. Comme les voix : celle de Claudia Triozzi,  de Laurence Louppe. Celle d’Anna Halprin, dans le film My Lunch with Anna.

La place d’Alain Buffard dans le champ chorégraphique français est celle d’un électron libre, dont les créations ne rentrent pas dans les cases préétablies ; d’abord interprète dans les années 1980, notamment pour Régine Chopinot, Brigitte Farges ou Daniel Larrieu, il va, de la fin des années 1990 jusqu’à sa mort en 2013, produire une œuvre habitée d’une urgence vitale, où chaque geste est chargé d’une force transgressive qui interroge ce que peut un corps. C’est aussi une place d’incubateur, dont les influences multiples – venant de la danse postmoderne américaine, des arts plastiques ou de la performance – ont contribué à l’élargissement du périmètre de la danse, et du rapport à l’historicité de ses pratiques. La rencontre, dans les années 1990, d’Yvonne Rainer et Anna Halprin, et des travaux d’artistes comme Vito Acconci, Chris Burden ou Bruce Nauman l’ont amené à nourir ce champ de problématiques esthétiques  et discursives qui l’avaient jusque-là peu pénétré.

Son héritage aujourd’hui, est celui d’un chorégraphe qui a maintenu à son point de tension maximale le fil qui relie l’intime au politique – politique des corps, des genres, du sujet ; cette zone où la dialectique de l’INtime / EXtime traduit un désordre dont la création se doit d’être la caisse de résonance. En construisant des figures affectées, travaillées dans leurs formes même par la maladie, le sexe, la mort, il nous lègue une boîte à outils remplie d’objets, de mélodies, de corps troubles et troublants. Territoire collaboratif constamment remis au travail, le laboratoire d’Alain Buffard a également été une plaque tournante pour des artistes et des danseurs issus de tous les champs et de toutes les générations : Good for… en 2001, avec Matthieu Doze, Rachid Ouramdane et Christian Rizzo, Wall dancin’ – Wall fuckin’ avec Régine Chopinot, (Not) a Love Song en 2007 avec Miguel Gutierrez, Vera Mantero, Claudia Triozzi et Vincent Ségal, Self&others en 2008, avec Cecilia Bengolea, François Chaignaud, Matthieu Doze et Hanna Hedman.

L’événement que lui consacre le CN D, à l’occasion du dépôt de ses archives et de celles de sa compagnie, restitue ce terrain créatif comme surface de projection, de réflexion : toutes ces lignes entremêlées seront exposées au travers d’expositions, de films, de danses – reprises et réinterrogées grâce au travail et à la collaboration étroite avec PI:ES, la compagnie qu’il avait créée en 1998.
Un colloque permettra également d’interroger le potentiel de perturbation de cette œuvre qui continue à agir, à déconstruire le normatif par sa production d’autres « modes d’existence ».

Gilles Amalvi, juin 2017