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Exposition

Galerie des Portraits

18 > 29.06.18

CN D Pantin

La collection Portraits du CN D, conçue par la Nouvelle cinémathèque de la danse, se propose de traverser en une demi-heure et à partir de montage d’extraits de spectacles,
 le travail d’une ou d’un chorégraphe en privilégiant un axe dans la richesse profuse des matières dansées. Cette exposition de films fait découvrir cinq portraits projetés en continu dans l’espace de la Galerie.

La Ribot ou la durée du geste
Fanny de Chaillé, le décalage

Ana Rita Teodoro, du sol au ciel
Volmir Cordeiro, Panoplies
Lucinda Childs, la mise en marche

 

La Ribot ou la durée du geste

La nudité fréquente de La Ribot cache quelque chose. Quelque chose d’autre et de plus qu’il vaut la peine de regarder. D’abord, La Ribot adore jouer de la durée, qu’elle étire autant qu’elle peut. Des heures parfois comme dans Laughing Hole où les performeuses s’épuisent de rire. Ensuite, elle n’a pas peur de reprendre et de répéter en boucle des gestes très simples, détournés très souvent de la grammaire classique, comme en témoignent les chorus lines quasi comiques et très énergétiques de PARAdistinguidas. Durée et répétition participent à un projet plus général d’hypnose ou de fascination dont le trio minimal d’Another Disinguée est un magnifique exemple. Il s’agit de modifier les perceptions du spectateur, de leur proposer d’habiter un autre temps et un autre lieu, un espace où les attentes s’effondrent, où il n’y a rien à produire sinon le sentiment tout nu d’être là.

 

Lucinda Childs, la mise en marche

On pourrait raconter l’art de Lucinda Childs comme l’histoire d’une chorégraphe qui amplifie peu à peu ses mouvements. Dans ses premières performances, elle s’amuse des gestes que la société assigne, plus ou moins gentiment, aux femmes : préparer des sandwichs (Carnation) ou prendre un bain d’une jambe élégante (Pastime). Et puis, peu à peu, elle se met en marche comme une militante qui réclame son autonomie, qui ne veut plus vivre, vivre et danser, que dans un monde dont elle compose elle-même les lois. L’abstraction mathématique et les compositions géométriques sont un univers neutre où Lucinda Childs a su devenir maîtresse des formes et des durées (Melody Excerpt). Forte de ce savoir, elle peut retourner au monde classique du ballet : arabesques et port de bras sont alors passées sans complexe à sa si élégante moulinette combinatoire.

 

Ana Rita Teodoro : corps animal, corps végétal

Ana Rita Teodoro rampe comme un vers ou un serpent dans les rues de Lisbonne. Elle amasse des papiers entre ses jambes telle une araignée laborieuse entre ses pattes. Elle ondule lentement les bras, algue souple au fond d’un aquarium. Elle glisse sur un autre corps en une étrange parade amoureuse. Il y a dans la danse de la jeune chorégraphe portugaise un sentiment d’animalité ou de végétation, une visite volontaire aux frontières du corps humain, d’où le titre Orifice qui lui sert souvent de titre générique. Ana Rita Teodoro bouge au bord des trous. L’idée de cette danse est d’éprouver ce qu’un corps peut apprendre en se mêlant, temporairement, à une autre nature, d’autres gestualités et surtout à une organicité absolument différente qui confèrent aux mouvements une façon étrange et séduisante d’habiter la durée et l’espace.

 

Fanny de Chaillé, le décalage

Il y a toujours un moment dans l’œuvre souvent comique, voire carrément burlesque, de Fanny de Chaillé où les choses que l’on croyait stables vacillent ou déraillent : on se prend des portes en pleine face, on trébuche et chute, on regarde sa propre ombre vivre sa vie devant soi, on parle sans ouvrir la bouche, on ne parvient plus à se faire comprendre. Tout, finalement, dans cette œuvre, est un problème de rythme. Pas le bon rythme, pas au bon moment, pas les bons mots pas dans le bon sens. En jouant avec art de toute la palette des décalages (il arrive même à la caméra de filmer à côté), Fanny de Chaillé invente une danse-théâtre qui met son doigt doux-amer sur une des plus grandes difficultés de vivre. Il est difficile au fond de sauter tranquillement dans le courant du langage ou des gestes et de se laisser glisser sagement dedans.

 

Volmir Cordeiro, Panoplies

Il y a toujours un moment dans les pièces de Volmir Cordeiro – qui sont surtout, pour l'instant et dans sa jeune carrière, des solos ou des quasi-solos – où le vêtement prend tout son sens. Par exemple, il danse dans une tunique noire et flottante qui ne cache rien, ou il baisse son collant et le remonte, ou il s’enroule dans des tissus de couleur ou bien encore il se colle deux scotches noirs sur les yeux. À quoi lui sert toute cette panoplie ? Sans doute à montrer que le regard suit des codes – des codes sociaux aussi bien que vestimentaires – et que ce qu’il cherche à danser, avec ses membres gigantesques qui déchirent et déstabilisent l’espace, c’est justement une danse qui déconstruise les regards et les normes convenus