Filles-pétroles

La première se fait appeler la Chinoise pimentée, en raison de la rapidité de ses figures acrobatiques enchaînées telle une gymnaste asiatique. La seconde assume avec fierté le surnom de « gros camion », dû à sa corpulence. Aya et Christelle vivent au nord d’Abidjan, dans un quartier populaire d’Abobo baptisé Derrière Rail. Toutes deux danseuses, elles sont expertes en coupé-décalé et en roukasskass. Mais là où d’ordinaire, les hommes se mettent en avant, reléguant derrière eux des partenaires féminines juste chargées de « rouler du bassin », l’une et l’autre ont réussi à imposer au premier plan leur énergie, et leur physique à rebours de tous les stéréotypes. Leurs mots, leurs histoires, leur humour, leur quotidien – dont cette pâte à pain pétrie au cours du spectacle comme les galettes de « là-bas » – sont la matière d’un duo complice et joyeux où éclate leur talent. Celui d’une nouvelle génération d’artistes « dans les marges », à la rencontre desquels est allée Nadia Beugré avant que, faute d’attention, leurs dons ne s’évanouissent et s’évaporent, tel du pétrole.

Nadia Beugré

Grandie en Côte-d’Ivoire à Abobo, Nadia Beugré a fondé avec Béatrice Tombé la compagnie Tché-Tché. Elle a poursuivi sa formation au Sénégal à l’Ecole des Sables et en France dans le cadre du dispositif ex.er.ce au CCN de Montpellier. Depuis son premier solo, « Quartiers Libres », elle a créé de nombreuses pièces, dont « Legacy » (2015) et « L’Homme rare » (2020). Sa compagnie Libr’Arts, basée à Montpellier, est une plateforme de production, de diffusion et de formation entre la France et la Côte d’Ivoire.