20 > 21.11.20
CN D Pantin
Pour Trajal Harrell, la danse est affaire de mélanges impurs et de projections spectrales. Après The Return of La Argentina, qui voguait Kazuo Ôno voguant La Argentina, il continue à creuser le sillon du butô, se penchant cette fois-ci sur la figure de Tatsumi Hjikata. Tissant plus avant l’analogie entre le voguing, danse qui tente d’atteindre la realness, l’authenticité, et le butô où le corps cherche à joindre l’obscurité du dedans et celle du dehors – il exhume des lignes généalogiques et des croisements culturels enfouis. Adepte des hypothèses historiques manifestant les impensés de la modernité – comme il l’avait fait avec la danse post-moderne dans Twenty Looks or Paris is burning at the Judson Church – il pose un « et si » riche de pistes interprétatives : et si la sœur cachée surgissant dans les gestes de Hijikata était en réa- lité la chorégraphe afro-américaine Katherine Dunham, avec laquelle il a partagé un studio avant d’inventer le butô ? Entre origine fantasmée et vérité du fantasme, le corps de Trajal Harrell dessine un chemin qui part du vaudou haïtien pour arriver au Japon post-Hiroshima, révélant à force de croisements la multiplicité de couches qui constituent l’Histoire de la danse.
Après une formation marquée par des influences allant de Yvonne Rainer aux écoles de Martha Graham et Trisha Brown en passant par les maîtres du voguing, Trajal Harrell mène un travail chorégraphique déjouant les catégories. Placées sous le signe de la friction des genres, ses pièces comme Showpony ou Quartet for the end of time superposent les formes pour atteindre un point de trouble de la perception. Après la série Twenty Looks or Paris is Burning at The Judson Church, il poursuit son entreprise de relecture de l'histoire de la danse au filtre du voguing et du butô.
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