29.09.23 — 14:00
CN D Pantin
14:00 – 35 min.
Championnats et concours de « danse bretonne ». De la sauvegarde d’une pratique à la construction d’un objet culturel
par Marc Clérivet et Tristan Jézéquel Coajou
Déjà attestées au XIXe siècle en Bretagne, les confrontions entre musiciens ou entre danseurs ont perduré dans les pratiques revivalistes. À travers l’organisation de concours individuels et de groupes, les fédérations de cercles celtiques ont permis une sauvegarde et une vitalité des pratiques jusqu’à aujourd’hui. En vue d’établir des critères d’évaluation visant l’objectivité, ces confédérations ont constitué des « fiches techniques » descriptives, à partir de spécificités individuelles collectées, considérées comme représentatives. Ces fiches ont fixé un répertoire et modelé l’enseignement et les pratiques des danses traditionnelles de Bretagne, limitant, de fait, la variabilité individuelle intrinsèque au sein de ces pratiques collectives. Ces nouveaux contextes de pratiques induisent des modèles qui s’impriment sur les corps dansants et restreignent la créativité des artistes se reconnaissant de cette esthétique, et par là même, l’évolution des pratiques et des répertoires.
14:35 – 2h
Panel : Agenda national et la fabrique des corps dansants dans et à travers les compétitions
La construction des danses sociales dans la compétition : nation et capital dans les premières danses de salon de style anglais
par Theresa Jill Buckland
Dans la Grande-Bretagne du début du XXe siècle, un petit groupe urbain de danseurs de salon ont institué des compétitions qui voulaient délibérément promouvoir un style sobre, simple et élégant qui selon eux reflétait ce qu’ils percevaient comme le caractère national. Le défi physique pour les danseurs qui participaient à ces compétitions ne résidait pas dans la performance sportive de capacités physiques particulières, dans l’endurance ou dans le fait de réaliser des exploits surhumains, mais dans les bonnes manières et l’exécution discrète d’une danse qui n’attirait pas l’attention. Le résultat fut l’émergence d’un mode de danse de couple très spécifique connu sous le nom de « style anglais », qui est au cœur de l’esthétique des danses de salon modernes. Cette communication se penchera sur les premiers concours de danse de salon en relation aux modèles de compétition contemporains, le « monde de l’art » de Becker (1982), et les critiques de théorie institutionnelle (DiMaggio, 1982).
Le changement de systèmes de valeur dans la danse traditionnelle irlandaise : d’une rivalité informelle à des compétitions formalisées et mises en scène
par Catherine Foley
Cette communication se concentre sur les joutes informelles au XIXe siècle et leur évolution en compétitions formalisées et mises en scène au XXe siècle, et examine l’évolution des systèmes de valeur dans la danse traditionnelle irlandaise. La première partie examine comment les maîtres de danse itinérants ont codifié la danse traditionnelle irlandaise et en ont fait un répertoire culturel spécifique, et comment ils se lançaient souvent des défis, participant ainsi au développement de cette danse. Au XXe siècle, la danse irlandaise fut « inventée » par le mouvement culturel nationaliste, la Ligue Gaélique, et devint le lieu d’une performance politique. Dans le contexte de la création d’une nation, une sorte de rivalité différente associée aux compétitions mises en scène a émergé. Elles ont été le lieu d’un double système de Foucault de gratification et de punition, tout en développant la culture chorégraphique. Partant de recherches ethnographiques, nous montrerons comment la compétition en danse traditionnelle irlandaise s’est développée et comment le contexte social et politique l'a influencé au XXIe siècle.
La danse folk remixée : politiques identitaires dans le monde des concours de garba
par Ann R. David
Le frou-frou des longues jupes colorées, les mouvements percutants et le rythme de la musique live font partie du vocabulaire des concours de danse garba raas dans le monde entier. J’examine ici ces compétitions de danses folkloriques indiennes aux États-Unis et au Royaume-Uni, et la manière dont les personnes Gujarati issues de l’immigration de deuxième et troisième générations les ont repensées. Les rencontres s’organisent dans des salles des fêtes, des campus universitaires, des théâtres loués pour l’occasion et on parle d’une véritable « fièvre du garba ». Au Royaume-Uni, ces compétitions ont quarante ans d’histoire dans les communautés diasporiques qui promeuvent ce folklore national. Que pourrait être le but de ces événements populaires ? La prochaine inclusion du garba Gujarati dans la liste du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO affectera-t-elle les pratiques ? Cette communication examine les influences politiques, les identités et le lien avec les pratiques sportives dans le développement des concours de garba, avec leur contexte géopolitique et géo-esthétique, local, interrégional, national voire mondial.
La danse sportive et les Jeux olympiques DanceSport and the Olympic Games
par Gediminas Karoblis
En 1815, le congrès de Vienne a tracé les contours politiques de l’Europe pour près d’un siècle. Le tsar Alexandre a légitimé la valse viennoise en tant que danse des empereurs et impératrices. À la fin de cette période, les Jeux olympiques firent leur retour. La valse et les traditions transatlantiques se croisèrent, donnant lieu à des compétitions de danses de salon. Les premiers championnats furent organisés à Paris. Dans cette communication, je m’intéresserai à la manière dont les danses de salon en compétition, la « danse sportive » ainsi qu’on l’appelle depuis les années 1990, reflète la modernité des XXe et XXIe siècles, comment la pratique a évolué en un siècle, particulièrement en Union soviétique, et enfin, quelles sont les raisons qui ont motivé la Fédération mondiale de danse sportive (WDSF) à demander au Comité olympique d’inclure la pratique dans les Jeux olympiques. Sous cette égide, le breakdance a été inclus au nombre des épreuves des Jeux olympiques de Paris en 2024.
Neutraliser les conflits et démocratiser les corps à travers les festivals de danse avec compétition : l’exemple du Nigéria
par Georgiana Wierre-Gore
En décembre 1980, quatorze mois après le retour à la démocratie au Nigéria, le Bendel State Arts Council a organisé un festival de cinq jours de compétitions de danse dans la capitale de l’État, Benin-city. Cet événement a rassemblé près de 95 groupes venus de 19 provinces, chacun représentant dans les faits un groupe ethnique différent. La visée officielle du festival était politique et culturelle, avec une résistance post-coloniale à « l’influence extérieure » ainsi que la promotion et la préservation de la culture locale. Mon argument est que la danse a été instrumentalisée comme un « soft power » pour atténuer les rivalités locales inter-ethniques alors que les festivals rassemblent des groupes dans un espace partagé en mettant en avant les distinctions et la diversité. De plus, ils construisent subtilement des corps disciplinés et démocratisés à travers l’arbitrage via un outil simple, la fiche d’évaluation, dont l’histoire mérite d’être examinée dans le contexte des concours de danse.