CampingRencontre

Sandra Lucbert

Eat the rich,
une décomposition

© DR
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15.06.22 — 19:00

CN D Pantin

« Février 2022, saisissement national en France : une enquête révèle que les maisons de retraites du groupe privé Orpea martyrisent leurs pensionnaires. Et leurs salariés. Des vieilles gens mis au lit la couche pleine. Laissés des heures durant par terre, jambes cassées. Agonisant dans leur vomi. Un business model salué par la presse financière depuis des années : rendement annuel à 15%. Gombrowicz nous raconte une aventure similaire dans Le festin de la comtesse Fritouille. Là où le narrateur croit se rendre chez la comtesse pour des repas maigres, végétariens, plein de retenue bienveillante et de souci humaniste, le menu change soudain. Mais pas les mots. On dit servir du chou-fleur, on a cuisiné de la viande humaine. Les appétits attablés ne s’y trompent pas : et les convives se métamorphosent en cannibales – éructants, jubilants de cette autorisation soudaine. Tel est le régime de pulsionnalité qui a cours aujourd’hui dans le capitalisme financiarisé. » Sandra Lucbert

Sandra Lucbert est auteure de littérature. Ses trois derniers livres portent sur l’appareil d’enrôlement discursif, normatif et pulsionnel du capitalisme financiarisé. La Toile reprend les codes du roman épistolaire pour mettre au jour la façon dont le numérique massifié produit une organisation politique et économique par branchement direct sur les corps. Personne ne sort les fusils et Le Ministère des contes publics relèvent davantage d’une littérature d’intervention : le premier à partir du procès France Télécom, le second prenant appui sur un objet médiatique, un spécial C dans l’air consacré à la dette publique. Chacune à leur manière, ces formes hybrides se proposent de démonter les mécaniques de ratification langagière par lesquelles les structures de la finance déréglementée démolissent tout un ordre social.